DANS LE POTAGE
- compasegure
- 22 août
- 2 min de lecture
Co-production Les Compagnons de Ségure et
La Cie de l’Ange d’Or
D’après la pièce « Au bout du rouleau » de
Jean-Pierre Martinez
Avec Claire et Patrick Chevalier
Musique Michel Ott
QUAND LE « BOULEVARD » ETAIT ROI…
Hommage à la nostalgie ou réappropriation d’un genre théâtral devenu injustement désuet ? Claire et Patrick Chevalier s’en donnent en tout cas à cœur joie pour nous restituer ces bonheurs d’antan…

Certes, il y eut Robert Hirsch et Jacqueline Maillan, qui nous régalèrent de fous-rires ininterrompus dûs à leurs intonations inimitables. Certes, il y eut des pièces plus ou moins drôles, mais si celle-ci n’est pas forcément des plus fameuses, au sens littéral du terme de célébrité (fama), le duo père/fille lui donne ici un ton savoureux.
La visite pour interview d’une jeune journaliste espiègle dans le studio minimal d’un vieil écrivain fauché passé de mode, va peu à peu se transformer en duel implacable, où invectives, quolibets et autres moqueries sarcastiques fusent, dont le vieil homme sortira meurtri, sans pour autant perdre de sa superbe : « Je ne sais écrire que des chefs-d’œuvre. Shakespeare ou Corneille, c’était pas sorcier, personne n’avait écrit avant eux ! ».
D’emblée, la jeune femme écorche volontairement son nom: « Bonjour, Monsieur Doutreligne, pardon, Dinterligne ». Ce à quoi lui rétorque l’écrivain : « Pourquoi pas D’outre-tombe ? Au moins, mes Mémoires se vendraient bien ! ». De ce jeu de ping-pong animé, qui sortira vainqueur ? « J’ai un petit découvert bancaire » lui confie-t ’il après un coup de fil impromptu de son conseiller financier en pleine interview. « enfin, un gros… passé…, présent… », précise-t ’il. Pour le futur, ça, c’est vraiment conditionnel ! », précise-t-il.

Regrettant que les producteurs de « spectacles vivants » ne mettent en lumière que les auteurs contemporains et n’ayant plus pour signe matériel d’une hypothétique gloire passée, que le stylo Mont Blanc que lui avait offert autrefois sa marraine pour son anniversaire…, il s’accroche comme il peut pour répondre aux questions de l’impertinente, tentant des jeux de mots hasardeux pour briller, ou douteux pour se faire plaindre : « Je n’aime pas les contraintes ; si je veux, je me suicide au gaz. Chez moi, il faudrait déjà qu’on me le remette ! ».
Allant même jusqu’à lui proposer d’être son « nègre » pour écrire ses pièces à sa place, il en profite pour jeter « un nègre qui travaille au noir, c’est pas très légal, ça ! ».

Rien ne l’est dans cette adaptation de la pièce de Jean-Pierre Martinez. Visiblement, cet homme est épuisé et la jeunesse en profite. Mais à l’issue de cette joute verbale sans victoire réelle, une chose est certaine : derrière ses airs de conquérante invincible, la journaliste est, elle aussi, fragile et si elle trône fièrement derrière le bureau, la vieille machine à écrire sur laquelle elle compte pour briller à son tour, est, elle aussi, « au bout du rouleau » … Mieux vaut en rire…
Véronique Blin
Photos : Marie-Laure Chevalier
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